« C’est l’attente qui est magique et magnifique » - André Breton

Ici ces bouches naturellement ouvertes vous observent. Signes de l’attente. Orifices où se noue la vie de la sculpture.
Une sculpture tissée à la vie de l’homme. Des troncs, des bois choisis en forêt des Landes pour leurs nœuds et leurs liens puissants qui forment alors l’éclat inextricable de l’homme à la nature.
Humaine nature ?
Les facultés des formes de ce monde sont de glisser à l’homme les signes de ses rapports présents et spatiaux . Les signes de sa propre mystification.
Christophe Doucet augmente cette visibilité, cette détection, cette chirurgie, cette clinique sylvestre, pour jeter chaque pièce dans l’évidence de son anthropomorphisme. Fiction et réel s’entrechoquent tout le temps de l’œuvre, comme en l’homme dans sa vie. Réel comme révélateur, fiction comme conducteur.
Le réel des crevasses et des bouches béantes c’est leur accueil protecteur et inquiétant. Homme, je m’y glisse des yeux d’abord, du corps ensuite pour mieux y voir, tiraillé entre peur et plaisir. Orifice happant, captivant nos regards d’où jaillissent les lointaines traditions des orantes Sumériennes et Hittite au cri de la Gorgone de Caravage.
À la question sans cesse ouverte de « l’étrangeté inquiétante » de ces formes, Christophe Doucet invente et réinvente l’outillage dont elles seraient issues, qui les produirait. Outillage brut et raffiné qui maintient la sculpture dans un champ idéal, non fait qui nous laisse patient et en attente. À ce travail, Hercule n’est rien, dérisoire, immense force physique du processus où la sculpture n’existe pas, elle est là à faire défaire dans l’esprit une possibilité parfaite qui nous regarde et que l’on attend.

José ANGELAUD, in « le Festin » n° 20, octobre 1996